I. Introduction

Dans notre vie quotidienne, l'informatique est omniprésente, et on ne peut pas passer à côté de la « guerre » entre le monde de l'open source, et le monde des brevets informatiques.

Si on entend beaucoup parler de SSII (Société de Services en Ingénierie Informatique) rebaptisées ESN (Entreprise de Services du Numérique), on entend beaucoup moins parler des SSLL (Société de Services en Logiciels Libres). Et pourtant beaucoup de SSII utilisent, ou même vendent des logiciels ou services liés aux logiciels libres.

L'idée des logiciels libres/open source est apparue à la fin des années 70/début des années 80. Le mouvement est alors initié par Richard STALLMAN sous le terme de libre, free en anglais. Ce terme apparaissant comme trop ambigu pour les professionnels, il est par la suite remplacé par le terme open source.

Ce terme d'open source a été créé par l'OSI, pour Open Source Initiative (à ne pas confondre avec le modèle OSI). Créée en 1998, elle voit le jour suite à une divergence d'opinions au sein de la communauté libre. Cette divergence portait alors sur la conduite à adopter pour le logiciel libre vis-à-vis des sociétés et du monde économique.

L'expression open source permet de lever toute ambiguïté du terme anglais free, ayant plusieurs significations, et de rassurer le milieu professionnel par l'utilisation d'une désignation plus neutre et explicite d'un point de vue dénomination marketing.

Alors que la Free Software Foundation (créée par STALLMAN) appuie sur les libertés du logiciel, l'OSI préfère mettre en avant les qualités techniques et les fonctionnalités des logiciels.

Ces différentes façons de penser amèneront à la création de différentes licences logicielles (ex. : GPL, Apache, BSD…).

Aujourd'hui, même si des subtilités existent entre les termes libre et open source, ils sont quasiment devenus synonymes.

II. Open source

II-A. Expérience personnelle

Fervent défenseur de l'open source, je réalise beaucoup de veilles sur ce thème, essayant de me tenir au courant via des articles/magazines, mais également via mon réseau professionnel.

En discutant avec différents amis, dans le milieu eux aussi, j'ai entendu des propos qui m'ont interpellé. Selon leurs commerciaux, l'open source est à bannir. Ils le taxent même d'être dangereux et ne veulent pas en entendre parler.

Ironique me direz-vous quand on sait que pour certains, ils passent leurs journées à vendre des services liés à PostgreSQL, Talend, ou autre OpenERP.

Les explications sont d'autant plus surprenantes : selon les plus virulents, l'open source fait peur. D'après eux, on ne pourrait pas maîtriser le produit. Et le fait que le code soit accessible à tous, est un danger. Pour eux, seuls les brevets et les codes fermés comptent.

Les plus modérés, eux, parlent simplement du côté psychologique et des a priori que l'open source véhicule.

En effet, les logiciels open source sont généralement gratuits, bien que cela ne soit pas obligatoire, les sociétés ou les équipes les éditant préférant vendre du service en plus.

Il s'agit là du plus répandu des modèles économiques du libre. Les sociétés offrent en général gratuitement un logiciel de qualité répondant aux besoins des professionnels, et en contrepartie génèrent un chiffre d'affaires en vendant des prestations ciblées sur leurs produits à leurs clients (développements spécifiques, aide à la migration, maintenance…).

Mais ce côté « logiciel gratuit » déplaît énormément. Nombre de sociétés considèrent en effet que si un logiciel n'est pas payant, alors il ne vaut rien, préjugé que j'ai déjà malheureusement trop de fois rencontré.

De même, beaucoup d'entre elles sont également persuadées que les logiciels open source sont exclusivement développés par de petites équipes de codeurs amateurs. Quid alors de grands noms tels que GIMP, ou Libre Office ai-je envie de dire. Certes des codeurs amateurs apportent leur soutien à « l' effort de guerre », mais ce n'est pas pour autant que le résultat final est à occulter.

Qui plus est, on trouve désormais, de nombreux logiciels libres équivalents aux logiciels propriétaires, et bien souvent capables de lire tout ou partie de leurs formats fermés. Par exemple, pour la messagerie (Outlook/Thunderbird), la bureautique (MS Office/Libre Office), l'imagerie (Photoshop/Gimp), base de données (Oracle/PostGreSQL)…, jusqu'aux OS (Windows/Linux).

Ainsi, que l'on s'attarde sur les plus modérés ou les plus virulents, on se rend compte que même quand ils s'en servent, les professionnels ne veulent surtout pas prononcer l'expression « open source » ou le terme « libre ». Cela semble être un sujet totalement tabou.

Personnellement, je trouve dommage que de tels a priori existent. La renommée d'un logiciel devrait reposer sur ses qualités et non sur le milieu auquel il appartient. De même, un logiciel reconnu devrait permettre la mise en valeur du milieu dont il est issu.

II-B. Une philosophie

Pour rappel, l'open source repose sur quatre grands principes :

>droit de redistribuer le logiciel ;

>droit d'accéder aux sources ;

>droit de modifier les sources ;

>droit de redistribuer les sources modifiées.

La gratuité ne fait pas partie des conditions, même si face à la difficulté de mise en œuvre de licences payantes sur ce genre de logiciel, elle y est souvent associée.

Cette philosophie, cette volonté de partager savoir et réalisation est extrêmement répandue. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de cette communauté.

De fait, nombre de projets sont open source, que ce soit des logiciels, ou autres (notamment hardware).

III. Inconvénients/avantages

Certes, ces projets possèdent parfois quelques inconvénients, parmi lesquels nous pourrons citer :

>SAV pas toujours très opérationnel

Une équipe de développeurs ne peut en effet assurer à la fois développement et assistance utilisateurs ;

>taille de l'équipe de dev souvent réduite

Selon la taille du projet, il se peut qu'un logiciel ne soit développé que par une seule personne ;

>viabilité dans le temps

Si une communauté s'appauvrit, cela peut conduire à l'arrêt du développement et de la maintenance d'un produit ;

>…

Mais tout ou partie de cela peut également être reproché à un grand nombre de projets sous licences propriétaires.

Et en aucun cas, cela ne doit éclipser les nombreux avantages liés à l'open source et auxquels les logiciels sous licences propriétaires ne peuvent prétendre la plupart du temps :

>bibliothèques testées et maintenues par communauté

Les bibliothèques maintenues par une communauté sont un gage de pérennité et de fiabilité ;

>accès au code source permettant de s'assurer des détails de fonctionnement

Chaque département informatique est ainsi capable d'analyser le code de son application et de s'assurer ainsi du fonctionnement fidèle aux attentes et de l'absence de « backdoors », ou encore du bon niveau de sécurité de l'application par exemple ;

>communauté, en général très active et réactive sur chaque bibliothèque/projet

En cas de bogue, la communauté n'étant pas une équipe de 20 développeurs au sein d'une société, mais souvent des milliers de contributeurs, un correctif est rapidement apporté, testé et mis à disposition après signalement ;

>indépendance technologique

Aucune dépendance envers un prestataire donné qui utiliserait 100 % de protocoles propriétaires placés sous brevets ;

>utilisation quasi exclusive de standards (interopérabilité de fait)

Connus et accessibles à tous, les grands standards informatiques garantissent l'interopérabilité et la liberté de choisir les prestataires et solutions informatiques de son choix ;

>un écosystème dynamique et en croissance

Fortes de leur modèle économique, les SSLL et autres sociétés du libre présentent des chiffres d'affaires en hausse constante. Le couvert « ouverture » du code encourage l'innovation, par la mise à disposition du savoir et l'incitation à faire toujours mieux, en se basant sur ce qui existe déjà ;

>pas besoin de « réinventer la roue »

Les bibliothèques/modules/package mis à disposition permettent de trouver facilement son bonheur au sein des communautés. En parallèle de la standardisation, cela permet de limiter au minimum les développements en utilisant ce qui existe déjà et est considéré comme standard par les communautés ;

>possibilité de reprendre le code en cas de faillite de l'éditeur

Si une société fait faillite, étant totalement indépendant de cette dernière grâce à l'usage de standard et au code ouvert, il est alors facile de changer de prestataire afin de maintenir le bon fonctionnement du SI ;

>…

De plus, se basant quasi exclusivement sur des standards ouverts, les données sont aisément accessibles et reprennables par n'importe quel autre logiciel pouvant lire ce même standard.

Alors qu'avec une technologie propriétaire, l'utilisateur se retrouve bloqué par une technologie non maîtrisée et affilié à une société unique, avec un format ouvert il assure la pérennité de ses données.

Le format de stockage étant en effet défini par une norme accessible à tous, l'utilisateur peut faire appel à n'importe qui (prestataire, service interne…) afin de reprendre les données et de les traiter de la façon qu'il désire (reprise, analyse, intégration…).

Enfin, partant généralement d'un besoin spécifique, le logiciel libre est présent dans presque tous les secteurs présentant des besoins logiciels :

>besoin d'entreprise (CRM, ERP, BDD…)

>>ERPEnterprise Resource Planning ou progiciel de gestion intégré: Open ERPOpen ERP, DolibarrERP Dolibarr,

>>CRMCustomer Relationship Management ou gestion des relations avec les clients: Sugar CRMSugar CRM, Creme CRMCreme CRM,

>>BDDBase De Données: PostgreSQLPostgreSQL, MariaDBMariaDB,

>>LDAPLightweight Directory Access Protocol: OpenLDAPOpenLDAP ;

>bureautique

>>Libre OfficeLibre Office,

>>AbiwordAbiword,

>>GnumericGnumeric,

>>… ;

>CAOConception Assistée par Ordinateur/DAODessin Assisté par Ordinateur (2D, 3D)

>>BlenderBlender,

>>FreeCADFreeCAD,

>>QCADQCAD,

>>GIMP,

>>… ;

>sécurité

>>CLAMWINCLAMWIN,

>>SmoothWallSmoothWall,

>>… ;

>…

Et si aucun logiciel libre n'existe pour un secteur donné, rien n'empêche de suggérer à une communauté de créer un groupe de développement sur le sujet, ou pourquoi pas de se lancer dedans.

IV. Migration

Lors d'une migration, le contre-argument, envers le libre, le plus fréquent est le suivant : cela va coûter trop cher.

Parmi ces « coûts », seront cités, entre autres, le coût de la formation des collaborateurs, le coût des prestataires de maintenance, le coût induit par la migration… En bref, coût humain et pécuniaire.

Ce que ces personnes de mauvaise foi ne précisent pas, c'est que, quel que soit le choix, migration vers solutions libres ou propriétaires, l'ensemble de ces coûts seront présents.

Cependant là où le libre se démarquera est tout d'abord le coût des licences généralement nul. Vient ensuite, comme expliqué dans la partie III, nombre d'avantages permettant d'assurer dans le temps, viabilité et pérennité du système informatique.

Pour résumer donc, migrer vers du libre est non seulement moins cher pour les départements informatiques, mais également un bien meilleur calcul en termes d'investissement à long terme, tant sur le plan financier que sur le plan technique.

V. Conclusion

En bref, le logiciel libre, même s'il présente quelques petits défauts, présente également énormément de qualités. Ces dernières compensent plus qu'amplement les quelques lacunes qu'on peut lui reprocher.

Tout est une question d'éducation. Il est indéniable que de chaque côté, de bonnes et de mauvaises choses existent. Mais à mes yeux, et pour beaucoup de personnes, l'open source se démarque positivement, tant par la philosophie véhiculée, que par ses qualités.

Il y a là une culture et une éducation entièrement à refaire dans le milieu professionnel, et en amont aux élèves/étudiants, afin que les barrières tombent et que le visage du marché évolue enfin réellement.

La société semble en prendre conscience, et on voit naître quelques initiatives intéressantes. Dans l'actualité récente, citons la lettre ouverte du Premier ministre pour les logiciels libres, ou encore le projet de loi sur la rénovation de l'école, incitant initialement à une culture basée sur le libre, et finalement adopté par le Sénat.

D'un point de vue plus général, l'Europe elle-même préconise l'utilisation de standards ouverts surtout pour tout ce qui est administration publique. Ces recommandations ont d'ailleurs d'ores et déjà été suivies par de nombreux pays : Danemark (2006), Belgique (2008), Portugal (2011)…

L'Europe va d'ailleurs plus loin en incitant le développement de tels logiciels de par sa politique juridique (traduction et/ou adaptation de licences logicielles au droit européen) que par sa politique de communication (incitation à l'interopérabilité, à l'innovation…).

Les logiciels libres permettent de créer un univers ouvert et basé sur des standards permettant viabilité et pérennité pour tout SI quel qu'il soit, chose à laquelle ne peut prétendre aucun logiciel propriétaire.

De plus, généralement gratuits, ils permettent un accès égal aux citoyens, tant aisés que défavorisés, et participent ainsi à la disparition de toute forme de discrimination informatique.

Dans un milieu qui progresse rapidement, et parfois sans prévenir, gageons que l'open source saura tirer son épingle du jeu et prendre la place qui lui revient.

VI. Remerciements

Merci aux personnes suivantes pour leur aide pour cet article :

>Vincent VIALE alias zoom61;

>Maxime GAULT alias Max;

>Bernard SIAUD alias Troumad;

>Lana BAUER alias Lana.Bauer;

>Pierre FAUCONNIER alias Pierre Fauconnier;

>Damien GUICHARD alias SpiceGuid;

>Claude LELOUP alias ClaudeLELOUP.